Le processus que le docteur subit pour arriver à voir à l'état conscient que sa vie ne représente pas ce qu'il s'imagine d'une vie heureuse est long et pénible et nécessite l'affront de plusieurs barrières qui empêchent son état conscient d'admettre ce fait.
D'abord, pendant et après son premier séjour à Porquerolles, le docteur qualifie explicitement la vie sur l'île comme quelque chose qui se dirige mentalement et physiquement contre sa personne, se plaignant de coups de soleil , de fatigue et d'une mauvaise cuisine . Ce point de vue négatif de l'île est aussi visible dans son rêve avec les péquois , où il accuse la population îloise d'intriguer contre les étrangers, faute de s'amuser de leur stupidité concernant la pêche aux péquois. Mais malgré tout, son subconscient commence petit à petit à collectionner des impressions positives, plus précisément des faits mais qui sont en collision avec sa vie à Saint-Hilaire, la mettant en cause : pour le docteur Mahé, toutes ces choses créent un désordre pour lui désagréable mais qui n'est pas pour autant négatif. Un bon exemple serait le déroulement de la vie quotidienne sur l'île : « Mémé » qui se fait « sauter » pour 50 francs n'est qu'un exemple des multiples caractéristiques de la légère façon de vivre méditerranéenne, qui forme ensemble avec le climat méditerranéen un contraste non négligeable par rapport aux habitudes vendéennes définissant la vie « immuable » du docteur Mahé . C'est ce contraste qui le trouble et qui crée son rejet de Porquerolles, non pour la raison que Porquerolles serait moins bien, mais plutôt parce que c'est différent de Saint-Hilaire. On peut interpréter ce rejet comme un mécanisme de protection de son conscient Saint-Hilairien, qui se protège contre la situation délicate d'avoir vécu cette vie actuelle pour rien pendant toutes les années, ayant découvert une alternative plus appropriée à sa personne. A un moment, par exemple, où le docteur Mahé discute avec son ami Péchade , celui-ci lui rappelant Porquerolles, il compare tout son environnement à une carte postale (« ...,il se sentait incrusté dans le décor, et ce décor ressemblait à une carte postale. ») , tellement ça ne bouge pas, tellement l'écoulement du temps et des événements est périodique par rapport a Porquerolles. Cette comparaison, fruit de son subconscient, se fait au détriment de sa vie Saint-Hilairienne et on remarque que tout de suite après , le docteur en fait l'apologie : « Il était donc solide. Il évitait de rappeler ses vacances à Porquerolles et il ne voulait même pas y penser » .
Cependant, ça seras justement cette comparaison de Saint-Hilaire avec une carte postale, qui lui donne l'impression d'être comme prisonnier dans un décor depuis le début de ses jours, le poussant à la recherche d'un divertissement : « Il avait besoin d'autre chose, de se détacher du paysage, qui lui paraissait d'un vide effrayant. » Ce divertissement étant Porquerolles, la recherche montre un franchissement de la barrière protectrice, que s'est crée sa conscience : le docteur a maintenant bien admis de vivre dans un environnement monotone et se sent en conséquent repoussé par tout ce qui lui ressemble et attiré par tout ce qui représente le contraire de sa vie, montrant son désir de s'en débarrasser. On peut attacher cette hypothèse au cas de son neveu Alfred et celui d'Elisabeth. Alfred, son neveu est, tout comme le docteur même l'a été, entrain de grandir de la même façon que lui : dirigé par sa mère et élevé pour un futur préconçu , montrant donc au dr. Mahé le contraire de ce qu'il cherche sur l'île : du divertissement, voire une autre vie, d'où le fait qu'il s'y retrouve haït par le docteur. Le contraire est valable pour Elisabeth, qui est « la négation de sa vie » et vers laquelle il se sent attiré. (« C'était une hantise, voilà le mot ») Tel qu'il se revoie dans la vie d'Alfred, le docteur se revoie aussi en sa personne lorsqu'il l'excite sur Elisabeth, on pourrait qualifier cette action d'une part comme une sorte de test de la part du docteur, voulant s'assurer qu'une personne comme lui ait la chance de faire ses preuves auprès d'Elisabeth et d'autre part comme une façon d'exprimer ses désirs pour une jeune fille sans se heurter à la morale. Les désirs du docteur pour Elisabeth dans cet exemple sont montrés d'une part par l'accentuation de la haine envers Alfred après que celui-ci ait couché avec elle, le traitant de « sale type » , d'autre part par un sentiment de devoir la « salir » et la « casser » , probablement pour justifier moralement le fait d'avoir des sentiments pour une fille assez jeune, maintenant devenue un peu plus femme.
En effet, cette fascination pour Elisabeth montre une rupture avec sa vie actuelle, qui le dégoûte de plus en plus. Cette rupture a des conséquences sur ses relations avec sa famille : celle-ci n'étant pas sujette aux sentiments négatifs envers la vie à Saint-Hilaire, a gardée son refus de Porquerolles, comme il était visible chez le docteur en début de roman. En conséquent le docteur se sent également repoussé par sa famille et se distancie de plus en plus de celle-ci, surtout de sa femme : « Il y avait longtemps que le docteur ne l'accompagnait plus que rarement,... » . Ce fossé entre lui et sa famille s'agrandit visiblement au cours du roman. Ainsi le montre le caractère superficiel des relations avec sa femme, (« Il n'osait pas le dire à sa femme. Or, il savait que celle-ci avait exactement le même sentiment que lui ») qui prend des dimensions de plus en plus grandes jusqu'à mener le docteur à la conclusion que sa femme soit juste un outil de sa mère pour le maîtriser : « Avant Hélène, elle tremblait toujours que son fils fasse des bêtises, attrape une mauvaise maladie,... » . Cette conclusion montre son désir de trouver un coupable pour le vide dans sa vie.
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